Quelle que soit la région, quel que soit le pays, la genèse de groupes Emmaüs est presque toujours le fruit d’une initiative de personnes du pays, pour répondre à des besoins locaux en mobilisant les ressources et savoir-faire locaux ; jamais un projet imposé de l’extérieur. 

En novembre 1949, l’abbé Pierre fonde la première communauté Emmaüs à Neuilly-Plaisance, dans la banlieue de Paris (France). Presque simultanément des initiatives semblables prennent corps dans plusieurs pays (Belgique, Argentine, Japon), qui connaissent eux aussi une augmentation significative de la grande pauvreté, notamment suite aux ravages de la 2nde Guerre Mondiale. Ignorant tout de l’existence de l’abbé Pierre et d’Emmaüs en France, la popularité mondiale suscitée par l’appel du 1er février 1954, le partage des valeurs qui guident cette expérience Emmaüs les amènent à se reconnaître alors dans cette dynamique et à contacter l’abbé Pierre.

Découvrez ici la naissance et l’histoire des 4 régions du Mouvement Emmaüs :

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L’histoire d’Emmaüs sur le continent africain commence en 1961 au Rwanda où le prêtre belge Joseph Fraipont, ancien volontaire d’Emmaüs en France, crée sur la colline de Gatagarale le « Home de la Vierge des pauvres », un centre novateur pour les soins, la rééducation et la formation professionnelle des enfants handicapés physiques, alors cachés par leurs familles. Très lié à l’abbé Pierre, il y insuffle l’esprit d’Emmaüs. L’association fait partie des membres fondateurs d’Emmaüs International en 1971. 

Les années 1990 marquent le redémarrage d’Emmaüs en Afrique, grâce au Béninois Albert Tévoédjrè, directeur adjoint du Bureau international du travail, et qui avait publié en 1978 « La Pauvreté, richesse des peuples ». Ce livre lui vaut d’être invité en 1984 comme intervenant à l’Assemblée mondiale d’Emmaüs à Namur ; il y découvre le Mouvement et en perçoit la pertinence pour les sociétés africaines. En 1988, il rencontre à Genève Véronique Gnanihbéninoise qui termine une formation universitaire sur les questions d’environnement. Elle prépare son retour au Bénin et souhaite démarrer une activité de traitement des ordures ménagères. Il lui parle d’Emmaüs et créent ensemble le premier groupe Emmaüs au Bénin, le second d’Afrique. 

A cette même période, la volonté du comité exécutif d’Emmaüs International est sans ambiguïté : faire émerger des groupes Emmaüs qui soient, tout à la fois, authentiquement africains et placés sur un pied d’égalité avec les autres membres du mouvement à travers le monde. L’idée d’organiser une rencontre entre diverses associations locales déjà en relations de partenariat avec des groupes Emmaüs européens émerge. Elle se concrétisera fin 1989 par l’organisation de la première rencontre interafricaine à Porto Novo au Bénin. Elle sera suivie de deux autres rencontre au Burkina Faso et au Cameroun en 1991 et 1993, qui génèreront l’adhésion de certaines associations à Emmaüs International et la création d’autres. 

En 2002, le Mouvement réalise la nécessité d’élargir le nombre de ses membres en Afrique, et de nouvelles organisations locales deviennent membres dans les années qui suivent. Les contours de la région Afrique ressemblent à ceux que nous connaissons aujourd’hui.

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L’Amérique latine est le plus ancien et principal lieu d’implantation d’Emmaüs hors d’Europe. 

En Uruguay et Argentine, les associations qui rejoignent Emmaüs préexistent à l’appel de l’abbé Pierre en 1954 et à la parution de l’édition espagnole des Chiffonniers d’Emmaüs en 1956. Elles sont créées et dirigées par des prêtres à l’esprit novateur, souvent empreint de ce qui deviendra la théologie de la libération. Préoccupés comme l’abbé Pierre du sort des plus pauvres à une époque où explosent l’exode rural et les bidonvilles, leur action s’oriente prioritairement vers le logement. 

En 1950, en Uruguay, le prêtre jésuite Atanasio Sierra sensibilise la population à la problématique des bidonvilles. En 1954, il fonde avec des étudiants l’association Emmaüs qui travaille dans les bidonvilles de Montevideo. 

En Argentine, dès 1952 le prêtre jésuite José Balista, sociologue, mobilise ses étudiants et, avec leur aide et celle de volontaires argentins et canadiens, construit des petites maisons pour les familles modestes. L’association se constitue fin 1955 sous le nom d’Emmaüs. José Balista rencontre l’abbé Pierre convalescent en Suisse en 1958 et l’invite en Argentine. 

De juin à septembre 1959, l’abbé Pierre effectue son premier voyage en Amérique latine : Argentine, Brésil, Chili, Équateur, Pérou, Uruguay, Venezuela. 

Il découvre au Pérou l’activité de chiffonniers commencée quelques mois plus tôt par le prêtre français Gérard Protain – membre de la Mission de Paris, inspirée des prêtres ouvriers -, avec des péruviens vivant dans les quartiers défavorisés. 

Au Brésil, il rencontre Dom Hélder Câmara, évêque auxiliaire de Rio, artisan d’une Église au service des pauvres et futur grand défenseur des droits humains ; les deux hommes se connaissent depuis quelques années. En 1963, Dom Hélder demande à l’abbé Pierre l’aide d’un volontaire pour créer une communauté Emmaüs au Brésil. Si cette communauté n’est plus membre d’Emmaüs International, plusieurs organisations Emmaüs se créent à travers le Brésil dans les années 1990. 

Au Chili, un groupe de jeunes étudiants nommé « Las Urracas » (les Pies) s’est constitué fin 1957 : engagés dans une action culturelle, on avait sollicité leur aide après le squat d’un terrain par 3 000 familles à La Victoria, dans la banlieue de Santiago. Ils rencontrent l’abbé Pierre lors de sa conférence à l’Université de Santiago en 1959, et délèguent deux d’entre eux pour se rendre en France découvrir la vie et le travail des communautés. À leur retour, ils démarrent en 1961 la première communauté de chiffonniers d’Emmaüs au Chili. 

Sous la dictature du général Pinochet, Emmaüs Chili soutient les cantines populaires pour enfants défavorisés. Pour leur approvisionnement, une délégation se rend en 1976 sur l’altiplano bolivien pour acheter aux communautés paysannes leur production de quinoa. Elle y rencontre Fernando Sandalio, militant du mouvement coopératif. L’idée germe en Bolivie et Emmaüs Oruro se crée en 1978. 

La même année, la communauté des pêcheurs d’Emmaüs se crée en Colombie, à l’initiative d’un religieux italien, Flavio Veronesi. Après avoir participé aux débuts d’Emmaüs à Bilbao, en Espagne, il arrive à la fin des années 1970 à Buenaventura et décide d’y implanter Emmaüs avec une activité originale : la pêche, activité traditionnelle des populations noires de la côte du Pacifique. 

Mais l’histoire d’Emmaüs commence aussi très tôt en Amérique du Nord, au Canada. En 1955, l’abbé Pierre donne une série de conférences au Québec et interpelle le clergé sur son mode de vie plutôt fastueux. Malgré l’opposition d’une partie du clergé, l’action d’Emmaüs y démarre avec le soutien de l’archevêché de Montréal. La communauté Emmaüs de Montréal accueille dans ses locaux l’assemblée constitutive d’Emmaüs International en 1971. Le siège et le Secrétariat international d’Emmaüs y sont installés jusqu’à fin 1976, date à laquelle ils sont transférés en France, à Charenton-le-Pont. 

En 1966, le père David Kirk (ancien compagnon de Martin Luther King) et quelques amis fondent à New-York (Etats-Unis) la Maison d’Emmaüs, communauté œcuménique orientée vers la non-violence, le refus de la guerre du Vietnam et présente parmi les populations pauvres, noires et portoricaines. Quelques années plus tard, Emmaüs Harlem (Emmaüs House) entend parler de l’abbé Pierre et du Mouvement qui porte le même nom qu’eux, Emmaüs, puis prend contact.

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L’histoire montre que l’implantation d’Emmaüs en Asie s’est effectuée par 2 biais : à travers des initiatives locales portées par des citoyens ou des prêtres missionnaires ou bien suite à des visites de l’abbé Pierre. Au Japon, en Indonésie et en Corée du Sud, c’est par le premier biais que des associations viennent rejoindre le Mouvement.

Le premier groupe Emmaüs en Asie voit le jour en 1950 à Tokyo, au Japon. C’est une initiative purement japonaise : M. Ozawa, ruiné par la Seconde Guerre mondiale, M. Matsui et Satoko Kitahara, jeune femme de milieu aisé, créent Arino-Kai (la Cité des fourmis) avec les chiffonniers qui subissent non seulement la pauvreté mais aussi le déshonneur. En 1955, sur les conseils de ses supérieurs, le missionnaire français Robert Vallade vient partager leur vie puis crée à Kobé le Gyoko-Kai (Lumière du matin). En 1956, il sollicite l’aide de la communauté Emmaüs de Neuilly-Plaisance qui envoie de l’argent « pas pour distribuer de la soupe, mais pour travailler ». Sous l’impulsion du père Vallade, plusieurs communautés Emmaüs se développent au Japon, aidées au démarrage par des communautés Emmaüs françaises, italiennes et danoises. 

En Indonésie, le père Antoine Van Dam, missionnaire hollandais, aide les populations les plus pauvres de Medan, sur l’île de Sumatra. En 1961, il sollicite la communauté itinérante d’Emmaüs pour l’achat d’une clinique mobile. Il rencontre ensuite l’abbé Pierre et développe un centre social, financé en partie par la récupération de papiers et bouteilles auprès des navires en escale.  

En Corée du Sud, un prêtre coréen de la Jeunesse ouvrière catholique découvre Emmaüs à travers un journal japonais. En 1957, il squatte un terrain et y développe une première communauté accueillant des enfants et adolescents orphelins de guerre. C’est la communauté accueillant les plus jeunes chiffonniers du monde. 

En Inde et au Liban, le démarrage d’Emmaüs fait suite à une ou plusieurs conférences de l’abbé Pierre dans ces pays. 

L’abbé Pierre se rend pour la première fois en Inde, fin décembre 1958 et en janvier 1959, invité comme orateur au congrès de la Fédération nationale des universités catholiques indiennes. Il rencontre Nehru qui délivre un message de soutien aux volontaires d’Emmaüs, jeunes étrangers travaillant dans les bidonvilles et zones rurales. Peu après, les Swallows de Suède (membres d’Emmaüs) y implantent l’organisation Swallows in India. 

Sur son chemin vers l’Inde, l’abbé Pierre fait escale au Liban et donne quelques conférences. Lors de l’escale du retour, quelques semaines plus tard, il apprend avec surprise qu’un chrétien maronite, un musulman chiite et un druze ont fondé une communauté Emmaüs et l’ont appelée l’Oasis de l’espérance ; cette communauté vit de récupération de déchets et de la fabrication artisanale d’un combustible. 

Au Bangladesh, l’action d’Emmaüs démarre dans le contexte d’une aide d’urgence aux victimes d’un massacre de civils, pendant la guerre civile au Pakistan oriental en 1971. Les Swallows de Suède se rendent sur place et demandent l’aide financière d’Emmaüs International, créé quelques mois plus tôt. L’urgence passée, des ateliers de tissage et teinture sont créés pour fournir un moyen de subsistance aux veuves des victimes.

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En 1949, l’abbé Pierre et Lucie Coutaz accueillent à Neuilly Plaisance Georges Legay, qui devient le premier compagnon d’Emmaüs. La même année en Belgique, des individus se mobilisent pour soulager le paupérisme d’après-guerre. L’appel du 1er février 1954 donne un formidable élan au développement d’Emmaüs en France mais aussi en Europe. Après la France et la Belgique, les Pays-Bas sont le troisième pays où se crée une association Emmaüs : en 1956 à l’initiative d’un couple de jeunes volontaires ayant passé quelques mois à la communauté de Neuilly-Plaisance. 

À cette époque, ce sont surtout les conférences de l’abbé Pierre qui suscitent la création de communautés et groupes Emmaüs. 

En Suisse, Marcel Farine et son épouse le rencontrent en 1956 à l’issue de sa conférence à Berne et organisent, deux jours plus tard, une première action d’urgence. En 1959, sa conférence à Lund en Suède entraîne la création de l’association des Swallows, qui envoie de jeunes volontaires en Inde au service des populations des bidonvilles et zones rurales. A cette époque, le pays fait face à d’importantes vagues de suicides chez les étudiants, les jeunes sont en quête de sens dans leur vie et de combats à mener. L’abbé Pierre les invite alors à agir en se faisant volontaires au milieu de ceux qui souffrent dans les pays en développement. « Swallows » signifie les Hirondelles car comme elles, ces jeunes rentrent ensuite dans leur pays pour témoigner et partager leur expérience. L’initiative suédoise est immédiatement soutenue par la Finlande qui constitue une association Swallows en 1964, et reproduite en Norvège en 1960 puis au Danemark en 1963. 

Les créations de groupes sont aussi, dès les origines et très souvent, des histoires de rencontres et notamment l’initiative de jeunes volontaires. 

Le premier groupe d’Allemagne est fondé en 1959 à Cologne suite à plusieurs rencontres avec des groupes Emmaüs belges. En 1962, au retour de plusieurs mois dans des communautés françaises, un jeune volontaire crée à Vérone la première communauté en Italie. De jeunes Espagnols ayant participé au camp international de travail d’Emmaüs organisé par la France à Bilbao en 1970, sont à l’origine du développement d’Emmaüs en Espagne. Marqué par son séjour comme volontaire à Neuilly-Plaisance dans les années 1960, un homme d’affaires anglais lance la première communauté à Cambridge au Royaume-Uni en 1992. Au Portugal, les multiples conférences d’un ancien responsable de communauté en France font débuter une action Emmaüs en 1983. 

La chute du mur de Berlin fin 1989 et les changements politiques qu’elle entraîne rendent possible l’ouverture d’Emmaüs à des associations d’Europe de l’Est. En Estonie, les contacts et l’aide matérielle d’Emmaüs Helsinki à des chrétiens engagés dans l’action sociale débouchent sur la création d’un groupe Emmaüs à Tallinn en 1990, dès le changement politique, mais celui-ci ne rejoindra finalement pas le Mouvement Emmaüs. 

Dès le début de la guerre civile en Yougoslavie en 1992, des communautés Emmaüs de France et d’Italie s’engagent dans des convois humanitaires, qui aboutissent après la guerre à la création d’un groupe Emmaüs en Bosnie-Herzégovine. En Roumanie, l’association française Coup de Main suscite la création d’une activité Emmaüs à partir de 1995. En Pologne, une communauté Emmaüs d’accueil et de travail pour handicapés mentaux se crée en 1996 suite à un contact avec Emmaüs International et Emmaüs Cologne. 

Depuis, la Région Europe poursuit son essor : les nouveaux groupes qui rejoignent la région viennent essentiellement d’Europe de l’Est (Albanie, Lettonie, Croatie ou encore Géorgie) et de France et prennent la forme de structures juridiques variées. 

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