Démocratie

Tribune : Il faut arrêter les négociations commerciales avec Bolsonaro

Tribune : Il faut arrêter les négociations commerciales avec Bolsonaro

Alors que l’Union européenne s’apprête à finaliser l’accord de commerce avec les pays du Mercosur, Emmaüs international ainsi que de nombreuses organisations de solidarité internationale appellent les institutions européennes à cesser les négociations commerciales avec le gouvernement Bolsonaro, responsable de ravages sanitaires et environnementaux alarmants au Brésil.

Alors que le recensement officiel de juillet comptabilise plus de 2 millions de cas et presque 80 000 morts liés au Covid-19, le président Bolsonaro place aux postes clefs de la santé publique des militaires, notamment le général Eduardo Pazuello en tant que ministre de la Santé par intérim. La population est laissée à la merci de la pandémie, particulièrement les personnes les plus vulnérables. Le gouvernement continue de minimiser la gravité de la situation. Il entrave la publication des données officielles relatives à la pandémie ainsi que le versement d’aides financières d’urgence destinées aux 25% de la population brésilienne y ayant droit.

La restriction budgétaire concerne également les versements aux Etats et aux municipalités. Sur l’ensemble des tests pour le Covid-19 acquis par le ministère de la Santé depuis mars, seuls 36% ont atteint les laboratoires des Etats et des municipalités. Même situation vis-à-vis des dépenses directes du ministère de la Santé dans le combat contre la pandémie : jusqu’à la fin mai, seulement 6,8% des plus de 11,7 milliards de réals brésiliens (R$) destinés à la lutte contre le coronavirus ont été effectivement dépensés pour combattre la pandémie. Le président Bolsonaro et son gouvernement sont ainsi responsables de l’hécatombe en cours.

Déforestation

Profitant que l’attention de la société soit tournée vers la crise sanitaire, les mégaprojets miniers et les grands chantiers de déforestation sont maintenus au sein de la forêt amazonienne. Les peuples autochtones dépendent de cet écosystème irremplaçable, dont les ressources naturelles sont plus que jamais menacées. Leurs droits sont tout simplement niés. La propagation du Covid-19 au sein de ces communautés se renforce à mesure de l’entrée de personnes extérieures sur leurs terres, surtout des fonctionnaires du gouvernement fédéral. Le 16 juin, c’est le chef autochtone Paulinho Paiakan qui s’est éteint, contaminé par le virus. Il était un des plus ardents défenseurs de l’Amazonie et figure de la lutte contre le mégaprojet hydroélectrique de Belo Monte. En juin, plus de 300 décès par le Covid-19 – un taux de mortalité 1,5 fois supérieur à la moyenne nationale – ont été recensés par l’Articulation des peuples autochtones du Brésil (Apib). 119 groupes autochtones sont atteints, dont des populations en isolement volontaire.

Une vidéo d’un Conseil ministériel révèle que certains ministres considèrent cette crise sanitaire comme «une opportunité». Le projet de loi dit «de l’accaparement» illustre ce que les ministres entendent par «opportunité». Ce projet officialise, sur des terres amazoniennes protégées, l’accaparement illégal par de grands propriétaires terriens et légalise les futurs projets de déforestation et d’exploitations minières.

Violations des droits humains

Le vote du projet a été décalé une première fois après que des parlementaires allemands ont interpellé leurs homologues brésiliens sur l’impact environnemental d’une telle loi. Les gouvernements européens sont des partenaires commerciaux de poids. Et leur avis compte. Le Parlement norvégien a durci les critères d’investissement de son fonds souverain, bannissant notamment le groupe minier Vale et l’électricien Electrobras, deux multinationales brésiliennes, à cause des «dégâts graves sur l’environnement» et des violations des droits humains que leurs activités provoquent. Aux Pays-Bas, le Parlement se montre également très inquiet du sort de l’Amazonie, comme en Autriche, en Belgique, en Irlande et en France.

Au Parlement européen, le projet de loi a été dénoncé le 19 juin par la députée portugaise socialiste Isabel Santos. Elle rappelle qu’au cours des quatre premiers mois de 2020, la déforestation a augmenté de 60% par rapport à l’année précédente, du fait notamment des exploitations minières illégales.

C’est pourquoi nous appelons la société française à interpeller les élu·e·s en France et en Europe. Les institutions européennes doivent se positionner plus fermement contre les ravages sanitaires et environnementaux dont le gouvernement Bolsonaro est responsable. Il faut arrêter les négociations commerciales avec ce gouvernement. Il n’est pas admissible que l’Allemagne, en prenant la présidence de l’UE ce 1er juillet, ait comme priorité la finalisation et la ratification de l’accord de commerce UE-Mercosur. A travers la campagne «Le Brésil résiste», la Coalition Solidarité Brésil, formée par 18 organisations de solidarité internationale, propose des outils pour connaître les actions des mouvements sociaux brésiliens et les différentes manières de les soutenir. Partout, tendons la main pour montrer que nous ne fermerons pas les yeux.

 

Signataires : Act Up Paris (François Emery, vice-président) ; Almaa (Suzete de Paiva Lima Kourliandsky, présidente) ; Amar Brasil (Gilles Maréchal, président) ; Autres Brésils (Erika Campelo, co-présidente et Luc Duffles Aldon, co-président) ; Attac, (Maxime Combes, porte-parole) ; CCFD-Terre Solidaire (Sylvie Bukhari-de-Pontual, présidente) ; Cedetim (Bernard Dreano, président) ; Comité des Amis du Mouvement des Sans Terre du Brésil (Monique Piot Murga, présidente) ; CSIA- Nitassinan (Aurélie Journée-Duez, présidente) ; Cedal (Celina Whitaker, co-présidente) ; Confédération paysanne (Nicolas Girod, porte-parole) ; Crid (Emmanuel Poilane, président) ; Emmaüs International (Nathalie Père-Marzano, déléguée générale) ; France Amérique Latine (Fabien Cohen, secrétaire général) ; Gipta (Patrick Kulesza, président exécutif) ; No Vox International (Annie Pourre, présidente) ; Planète Amazone (Gert-Peter Bruch, président) ; Red.br (Silva Capanema, présidente) ; Secours Catholique, Caritas France (Vincent Destival, délégué général) ; 350.org (Clémence Dubois, porte-parole France).

 


Image : CPERS Sindicato CC BY-SA 2.0