Participation des plus vulnérables

José María García Bresó : «La planète ne dispose pas de ressources infinies, et donc nous ne pouvons pas nous permettre de poursuivre le gaspillage»

José María García Bresó : «La planète ne dispose pas de ressources infinies, et donc nous ne pouvons pas nous permettre de poursuivre le gaspillage»

Entretien avec José María García Bresó, responsable d’Emmaüs Navarra en Espagne.

Emmaüs International : Quelles sont les principales activités de votre groupe aujourd’hui ?

José María García Bresó : Les activités principales sont liées au métier de « chiffonnier » : collecte, préparation pour la réutilisation et le recyclage des déchets (textiles, meubles, équipements électriques et électroniques, livres, bacs, verre par établissements et papier par conteneurs) que nous collectons dans toute la Navarre, dans le cadre de contrats de service avec des entités publiques. En effet, depuis les années 80, les mairies internalisent et respectent le travail d’entités sociales et solidaires telles qu’Emmaüs grâce à nos efforts. Le travail de préparation et de recyclage est principalement effectué dans notre Centre de Berriozar, et les objets préparés pour la réutilisation sont vendus à des prix abordables dans nos 7 bric-à-brac dans différentes villes de Navarre.

Quelle est la structure de votre association (nombre de compagnes et compagnons/bénévoles/salarié.e.s) et quelles sont les conditions d’accueil et de travail des bénévoles (indemnités, logement, etc.) ?

Actuellement, nous travaillons 6,15 heures par jour dans nos différents espaces avec environ 300 personnes. Nous ne faisons pas de distinction entre « compagnons, volontaires, compagnons et/ou employé.e.s », nous sommes tous et toutes engagé.e.s avec des salaires égaux, sans disparités économiques en fonction du niveau de responsabilité.

Jusqu’en 1992, Traperos de Emaús Navarra s’organisait autour de la communauté de Belzunce, une communauté de vie et de travail où 30 personnes vivaient ensemble. Depuis cette année-là, d’autres personnes ayant des difficultés sociales à participer au travail mais ne vivant pas dans la communauté ont été accueillies. Actuellement, la communauté est composée de 20 compagnes et compagnons.

Du point de vue juridique, nous sommes une fondation. Nous sommes divisés en domaines de production (collecte et déchargement, mobilier, DEEE, vêtements/textiles, titres/livres, ventes, collectes à Estella) et en domaines transversaux (administration, communauté, formation et processus éducatifs, gestion de l’environnement et prévention des déchets). Chaque domaine est organisé à sa façon, et est géré par un.e ou plusieurs coordinateur.rice.s qui, à leur tour, font partie du groupe de coordination générale (actuellement 16 personnes). Il s’agit du groupe ayant la plus haute responsabilité politique et décisionnelle au sein de notre collectif, il se charge de l’élection ou de l’approbation de la direction (actuellement 3 personnes).

Quels sont les principaux défis d’Emmaüs Navarre pour développer son activité et lutter contre la pauvreté ?

Dans notre collectif, et dans le respect des Règles de Vie des compagnes et compagnons d’Emmaüs, nous sommes clairs sur l’intentionnalité politique et réelle de notre activité et de notre lutte. En effet, nous luttons pour transformer les réalités qui génèrent la pauvreté et l’exclusion, non seulement en Navarre, mais aussi dans le monde entier. Nous constatons que le paradigme de notre civilisation actuelle est colonisé par la culture capitaliste, qui donne une date d’expiration à la vie. Il s’agit d’une sorte de piège mortel, qui place l’avenir de l’épanouissement personnel et collectif dans la consommation, l’appropriation et l’accumulation de biens, dans la croissance permanente, dans l’émulation des classes supérieures, et dans le fait d’avoir et d’être comme « les riches ».

Les modes de vie, notamment dans les pays riches du Nord, mondialisés sous forme de désir, favorisent le sentiment de « besoin » de certains biens ou services, qui pourtant ne seront jamais accessibles à l’ensemble de la population mondiale. La planète ne dispose pas de ressources infinies, et donc nous ne pouvons pas nous permettre de poursuivre le gaspillage. Notre culture est enracinée et séduisante, elle promeut le besoin, les inégalités, la consommation accélérée des ressources, et l’utilisation de biens qui ne seront jamais universalisables.

Par conséquent, nous luttons contre les causes profondes de cette injustice, ainsi que contre l’existence même des classes sociales, qui découlent des différences économiques et des différences dans la disposition des biens.

Pour lutter contre cela, nous pensons que la voie à suivre est celle de la décroissance, de la sobriété et des pratiques cohérentes, telles que l’égalité salariale, le partage du travail, l’accueil de celles et ceux qui rencontrent le plus de difficultés, ou encore la création d’espaces de participation réelle pour les compagnons. A partir de là, notre groupe évalue et agit en fonction de l’environnement dans lequel nous nous développons. Du point de vue géopolitique, nous nous positionnons contre tout ce qui est à la base de la pauvreté, de la souffrance et de l’injustice que subissent les déshérité.e.s de l’histoire.