Climat et environnement

Au Bangladesh, "les plus vulnérables sont en première ligne face au changement climatique” 

Au Bangladesh,

Le Bangladesh fait partie des pays les plus impactés au monde par le réchauffement climatique. Il est constamment menacé par la montée des eaux liée à l’augmentation des températures de la Planète, sa surface inondable reste la principale préoccupation à chaque cyclone, et des vagues de fortes chaleurs persistantes deviennent la norme chaque année. Les groupes Emmaüs sur place ne sont pas épargnés, mais tentent malgré tout de s’organiser pour venir en aide aux plus démuni.e.s. A l’image de Thanapara Swallows Development Society. Pour répondre au mieux aux situations de pauvreté et d’exclusion en milieu rural, ce groupe Emmaüs a développé des formations dans le secteur du commerce équitable, mais aussi des programmes d’éducation, d’accès à la santé, de lutte contre les violences domestiques, de micro-crédit et de défense d’une agriculture écologique et respectueuse des productrices et des producteurs. 

Concrètement, quels changements constatez-vous au Bangladesh, en ce qui concerne le climat ?

Le changement climatique est un grave problème au Bangladesh, l’un des pays les plus vulnérables face à ce phénomène. Dans l’indice mondial des risques climatiques de Germanwatch paru en 2020, le Bangladesh se classe septième dans la liste des pays les plus touchés par les catastrophes climatiques durant la période de 1999 à 2018.

Cette vulnérabilité aux effets du changement climatique est due à la combinaison de facteurs géographiques, tels que la présence de plaines, la basse altitude et l’exposition aux deltas, ainsi qu’à divers facteurs socio-économiques, tels qu’une forte densité de population, un taux élevé de pauvreté et une dépendance à l’agriculture. Presque chaque année, de vastes régions du Bangladesh subissent d’intenses catastrophes climatiques, comme des cyclones, des inondations et une forte érosion, qui ralentissent le développement du pays. L’élévation du niveau de la mer devrait atteindre les 30 centimètres d’ici à 2050, ce qui entraînera le déplacement de 900 000 personnes.

Notre pays fait actuellement face à une vague de chaleur dévastatrice. L’absence prolongée de pluie et le faible taux d’humidité ont fait surgir d’importants problèmes énergétiques et économiques. Le pays est confronté à une hausse des températures sans précédent qui atteignent plus de 40 degrés Celsius (104 degrés Fahrenheit). Cette vague de chaleur persistante affecte gravement l’agriculture, la sécurité alimentaire et hydrique, la santé humaine et l’accès au logement.

Ce sont les personnes pauvres et vulnérables qui sont les plus touchées par le changement climatique dans notre pays. On estime que d’ici à 2050, au Bangladesh, une personne sur sept sera déplacée par le changement climatique. Le Bangladesh pourrait connaître une élévation de 50 cm du niveau de la mer et, de fait, perdre environ 11 % de ses terres d’ici là. Jusqu’à 18 millions de personnes pourraient par conséquent devoir migrer en raison de ce phénomène.

Est-ce la première fois que vous faites face à une telle situation ou avez-vous déjà connu des phénomènes climatiques anormaux auparavant ?

Le Bangladesh est depuis longtemps confronté à de nombreuses catastrophes naturelles, dont l’intensité augmente en raison du changement climatique. Le pays subit, presque chaque année, des inondations de petite à moyenne envergure, des cyclones, des crues soudaines et des glissements de terrain. La catastrophe naturelle la plus courante au Bangladesh est l’inondation. Le pays a été touché par six importantes inondations au XIXe siècle et 18 au XXe siècle. Le Bangladesh n’a pas été épargné par la vague de chaleur massive qui a frappé une grande partie de l’Asie, avec des températures parmi les plus élevées depuis six décennies. La quasi-totalité du pays a été touchée par cette vague de chaleur. C’est une expérience à la fois nouvelle et alarmante. La canicule de cette année confirme cette prévision. Auparavant, la température maximale moyenne était de 33,2 °C (91,8 °F), mais cette année, elle a augmenté de 6 °C (10,8 °F). La situation est si critique que les autorités ont fermé les écoles pendant deux semaines en juin après avoir enregistré d’étouffantes températures dépassant les 40 °C (104 °F). À Thanapara, la température a atteint environ 44 °C au mois d’avril cette année.

Comment vivez-vous le réchauffement climatique et quelles en sont les conséquences pour le groupe Thanapara Swallows ?

Thanapara Swallows Development Society a mené à bien diverses activités de développement, notamment la création d’emplois pour les personnes issues des communautés pauvres et la sensibilisation à plusieurs activités dans les subdivisions administratives, appelées upazilas, de Charghat et Bagha, du district de Rajshahi. Ces deux upazilas sont situés sur les rives du plus long fleuve du sous-continent, le Gange/Padma. La plupart des habitants de ces deux upazilas vivent de l’agriculture et de la pêche. En raison du changement climatique, leurs zones de travail sont confrontées au manque de pluie, à la sécheresse, à la hausse des températures, à l’assèchement des étangs, lacs et rivières, à la baisse du niveau de l’eau, etc.

Le niveau de l’eau a baissé ; il y a une grave pénurie d’eau potable et d’eau d’irrigation depuis le mois d’avril cette année. Selon le Département d’ingénierie de la santé publique, il existe environ 17 000 puits tubulaires pour l’eau potable dans notre zone de travail. Ces puits tubulaires sont installés dans la première couche de la nappe phréatique.

Le changement climatique provoque l’assèchement des rivières, en raison du manque d’eau souterraine durant la saison sèche. L’absence de précipitations entraîne une diminution tellement anormale du niveau de la nappe phréatique, que les habitants des villages riverains n’ont plus d’eau dans les puits tubulaires. Les pêcheurs de la région ont perdu leur emploi à cause de l’assèchement des rivières, lacs et étangs et ont dû se tourner vers de nouvelles professions, sources de revenus quotidiens. Le manque d’eau dans les terres agricoles bouleverse les cultures et augmente les coûts de production.

Est-il possible de remédier à cette situation et si oui, quelles actions de terrain entreprenez-vous ?

Thanapara Swallows Development Society, avec le soutien financier d’Emmaüs International, travaille depuis une dizaine d’années pour les communautés pauvres touchées par le changement climatique. Outre une importante sensibilisation, le programme agricole permet aux agriculteurs les plus pauvres de recevoir des semences biologiques et prévoit une formation à la préparation des semences et à la production d’engrais biologiques.

Le programme encourage également les agriculteurs à utiliser des engrais organiques, à planter des arbres sur les terres libres et à participer aux journées de l’environnement en leur fournissant des informations sur le changement climatique et les sources d’eau alternatives, telles que la récupération des eaux de pluie ou les puits tubulaires profonds dans le cadre d’un projet hydraulique, avec contrôle de l’arsenic dans chaque puits, etc.

Thanapara Swallows Development Society a également organisé, dans le cadre de son programme de Mutuelle, des réunions publiques de sensibilisation en petits groupes. Lors de ces réunions, des médecins informent le grand public sur les causes et effets néfastes de la canicule, mais aussi sur les façons d’y remédier. Il est recommandé aux participants de boire beaucoup d’eau. Afin de réduire la pénurie d’eau pendant la saison sèche, il leur est conseillé de conserver l’eau récoltée pendant la saison des moussons. Les agriculteurs sont également invités à planter davantage d’arbres dans le cadre du programme d’agriculture durable.

Comment envisagez-vous les activités d’Emmaüs au Bangladesh dans les années à venir, face au changement climatique ? Et plus généralement pour les populations les plus pauvres ?

À Thanapara Swallows Development Society, nous sommes convaincus que c’est en faisant participer les communautés marginalisées aux différentes actions que l’on pourra les aider à faire face au changement climatique. La plupart des opérations de l’organisation ont lieu dans les zones riveraines. Nous sommes en train d’élaborer un plan de sensibilisation des habitants de ces zones, visant à prévenir l’érosion des rivières. Outre cette création d’une conscience publique, il est prévu, en coordination avec divers ministères, tels que la Direction de la prévention des catastrophes, le Département des forêts et le Département de l’eau et de l’assainissement, de lancer des programmes de plantation d’arbres dans les zones affectées, de construction de barrages, de création de sources d’eau alternatives, etc.

Nous souhaitons qu’Emmaüs International joue un rôle important dans la protection contre le changement climatique des communautés situées dans la zone d’intervention de l’association.

Outre la constitution de fonds, Emmaüs International peut nous fournir des informations utiles sur la lutte contre le changement climatique, que l’on se chargera de transmettre aux communautés locales, afin de les sensibiliser.

Nous pensons qu’un important travail doit être réalisé sur l’agriculture, afin de réduire les émissions à un coût relativement faible et de soutenir les autorités gouvernementales locales dans la mise en œuvre de politiques nécessaires.

Photo©Dennis Sylvester Hurd