Joffrin Carpentier, dit Jules, raconte ses 37 ans à Emmaüs

Joffrin Carpentier, dit « Jules », est l’un des premiers compagnons à rejoindre Emmaüs, dès décembre 1952. L’entretien a lieu en 1989 et Jules y est invité à raconter ce qu'étaient les débuts d’Emmaüs. Il y retrace son parcours et ce qu’Emmaüs a signifié pour lui et changé dans sa vie.

Dans cet extrait Jules raconte comment, avec d’autres compagnons, ils relogeaient tôt le matin, avant leur journée de travail, des familles dans des squats, occupant des maisons et des appartements vacants pour les mettre à l’abri du froid.

Biographie de Joffrin CARPENTIER dit « Jules ».

 

Ce compagnon de la première heure est un homme très simple. Il sait à peine lire et écrire, parle un français rudimentaire. C’est un colosse, dépendant à l’alcool, lorsqu’il rencontre l’abbé Pierre en 1952. C’est pour lui que l’abbé s’abstiendra pendant plusieurs décennies de boisson alcoolisée. Jules est une figure légendaire du mouvement Emmaüs. Il participe aux premières communautés itinérantes en Normandie à partir de 1956. On lui doit la création d’au moins quarante communautés ou comités d’amis d’Emmaüs en France. A chaque arrivée dans une nouvelle ville, il organise des conférences particulièrement appréciées pour mobiliser les bonnes volontés locales. Jules était un véritable meneur d’hommes, l’un des compagnons pour qui l’abbé Pierre avait le plus d’amitié. Il repose au cimetière d’Esteville. Sur sa tombe, il est écrit : Jules Joffrin CARPENTIER (1918-1949-2002).

« C’est une vieille histoire faite de nostalgie et de camaraderie qui me lie aujourd’hui à l’abbé Pierre. En 1952, je faisais de la manutention avec un copain dans une entreprise de chemin de fer. C’est un hasard qui nous a conduits à Neuilly-Plaisance. Le bruit courait que l’on y cherchait des chiffonniers. En arrivant, l’abbé m’a simplement dit : « Tu tombes bien, j’ai besoin d’un homme à Pontault-Combault ». Nous y sommes allés, mon copain et moi. Au matin, mon copain a renoncé. Le travail était rude et l’on ne possédait rien. Mais la rencontre avec les gosses en guenilles et leurs familles, logées sous des tentes, m’a décidé à rester. Une espèce de révélation de la détresse, en somme. Le Père était aussi tellement présent. Sans parler beaucoup, il comprend et on le sent toujours proche. Trente-sept ans plus tard, je suis toujours au rendez-vous. Je m’occupe d’une communauté Emmaüs. Bohème de nature, je me suis discipliné pour bagarrer contre la misère. Grâce à l’abbé, j’ai l’impression d’avoir fait de mon existence quelque chose d’utile et d’extraordinaire. Il fallait être un personnage hors du commun pour rassembler des tordus comme nous. »

Photo : Orléans-Ormes (France) - 1969

Joffrin Carpentier, dit Jules, raconte ses 37 ans à Emmaüs