Peu anticipée par l’abbé Pierre et les fondateurs.trices d’Emmaüs, la structuration du mouvement Emmaüs en France se fera pendant plus de 30 ans dans le cadre de multiples fédérations, avant la création d’Emmaüs France en 1985, suscitée par Emmaüs international, et qui rassemble désormais tous les groupes français. 

Après la ferveur engendrée par l’appel de 1954, la toute jeune et encore fragile structure Emmaüs voit croître très rapidement ses moyens et ses missions, sans que tout cela n’ait été réellement anticipé et organisé… Dans le même temps, l’abbé Pierre est extrêmement sollicité par les médias et reçoit de multiples invitations pour donner des conférences. De nombreuses personnes sont donc appelées en renfort à la tête d’Emmaüs pour prendre en main la soudaine croissance humaine, financière et logistique de l’organisation. 

En 1956, l’abbé Pierre, épuisé, est envoyé en Suisse pour prendre du repos, avant de reprendre une série de conférences qui l’amène à voyager partout dans le monde (ces voyages seront l’occasion de poser les premières pierres du Mouvement international). 

Pendant ce temps, les groupes français poursuivent leur organisation et, en 1958, l’Union centrale de communautés Emmaüs (UCC) est créée. Elle rassemble alors un peu plus d’une dizaine de communautés Emmaüs et se caractérise par son souhait de professionnaliser l’organisation du Mouvement. Elle recrute en externe, forme et salarie au niveau national des responsables de communautés, qui sont ensuite envoyés dans les communautés. 

Cette organisation ne fait pas l’unanimité au sein du Mouvement, et l’abbé Pierre lui-même était réservé à ce sujet. A la suite d’une série de désaccords avec l’UCC, les groupes qui ne se retrouvent pas dans cette démarche décident de fonder l’Union des Amis et des Compagnons d’Emmaüs (UACE). Cette organisation contribuera fortement au développement du Mouvement dans les années 60-70 en créant des communautés itinérantes et en organisant de nombreux camps de jeunes. 

En parallèle, à partir de la fin des années 60, une nouvelle activité Emmaüs se développe en France, les SOS Familles, qui agissent contre le surendettement. Ces groupes sont souvent liés localement à une communauté Emmaüs, mais ils créent également une fédération nationale pour les regrouper. 

En 1971, deux grandes unions de communautés fédèrent la majorité des communautés Emmaüs en France : l’Union centrale des communautés (UCC) et l’Union des amis et compagnons d’Emmaüs (UACE). Les communautés adhérentes réalisent globalement les mêmes activités de récupération, tri et revente mais avec des différences notables quant à leur organisation interne, leur conception de la solidarité et surtout quant à leurs liens avec l’abbé Pierre. Depuis la scission en 1956, elles vivent dans l’ignorance réciproque, parfois dans le conflit.  

L’assemblée générale d’Emmaüs international de 1971 donne l’occasion à leurs représentants de se rencontrer, à Montréal, pour beaucoup pour la première fois. Dans l’avion du retour, certains d’entre eux décident de se rencontrer à nouveau, en France. D’autant que le pays est désormais une région d’Emmaüs International, avec un représentant à la Commission administrative.  

De leur propre initiative, ils créent en 1972 le Comité de liaison d’Emmaüs France qui se réunit régulièrement et mène, au nom d’Emmaüs, quelques actions collectives auprès des pouvoirs publics français. 

En 1977, le poste de représentant français à la Commission administrative d’Emmaüs International est vacant, suite au départ du titulaire puis de son suppléant. Début 1978, le Comité exécutif d’Emmaüs International demande l’organisation d’une réunion des groupes Emmaüs en France pour qu’ils élisent leur représentant. C’est ainsi que les premières « Assises nationales d’Emmaüs France » sont organisées les 10 et 11 juin 1978. 

Le succès de ces Assises nationales a permis aux communautés de se réunir en sous-régions et de s’ouvrir à d’autres formes de groupes Emmaüs. Les diverses sensibilités se rapprochent, non sans heurts, mais la réflexion sur leur collaboration progresse. En 1986, l’ensemble des groupes Emmaüs français (communautés, comités d’Amis et autres associations) se fédèrent dans un même ensemble : Emmaüs France. Cette entité nouvelle devient l’interlocutrice des pouvoirs publics français, elle mène des campagnes thématiques au nom de tous ses membres, mais il faudra encore une dizaine d’année pour regrouper l’ensemble des groupes Emmaüs au sein de cette unique fédération. Ce rapprochement se fera notamment sous l’impulsion de Jean Rousseau, qui devient président d’Emmaüs France en 1996 et propose l’adoption de nouveaux statuts cette année-là. 

Parallèlement, l’abbé Pierre décide en 1988 de créer la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés. A la différence des communautés Emmaüs, cette organisation fait directement appel à la générosité du public pour financer ses actions contre le mal-logement. La Fondation Abbé Pierre est membre d’Emmaüs International. 

Dès le début des années 2000, une réflexion est lancée au sein d’Emmaüs France pour renforcer l’organisation existante au moyen d’une structuration en « branches » nationales par types d’activités et en « régions ». Cette nouvelle structuration sera finalement adoptée en 2006 avec 3 branches (Communautaire, Action sociale et logement, Economie solidaire et insertion), et en 10 régions.

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