Climat et environnement

Journée mondiale de l’eau : « l’eau pour la vie, pas pour le profit ! »

Journée mondiale de l’eau : « l’eau pour la vie, pas pour le profit ! »

A l’heure où l’accès à l‘eau pour tou.te.s et sa gestion durable restent des enjeux majeurs partout dans le monde, Emmaüs International fait de cette journée mondiale de l’eau une occasion pour alerter sur les problématiques posées, notamment de marchandisation de ce bien vital. Regards croisés de quatre groupes et des alternatives qu’ils portent pour se réapproprier le droit humain à l’eau.

Emmaüs international est signataire de la tribune collective « L’eau pour la vie, pas pour le profit » par laquelle une centaine d’organisations souhaitent rappeler l’importance vitale d’un accès universel à ce bien commun du vivant ainsi que le danger de toute tentative de financiarisation.
Pour approfondir cette réflexion, nous avons souhaité faire un tour d’horizon du Mouvement Emmaüs et donner la parole à des représentants de groupes de 4 continents. Ils nous parlent des problématiques rencontrées, des défis posés et des alternatives mises en place par leur groupe et les plus exclu.es pour se réapproprier le droit humain à l’eau.

Regards croisés sur les problématiques liées à l’eau :

  • Question 1: Quels sont les enjeux actuels liés à l’eau dans votre pays?
  • Question 2: Quel combat autour de l’eau menez-vous dans votre groupe Emmaüs?
  • Question 3: Selon la fondation des Nations Unies, la moitié de l’humanité risque de manquer d’eau en 2050. Selon vous comment mieux protéger ce bien vital qu’est l’eau?

>> Télécharger le PDF de l’interview en regards croisés

 KOUDBI EMMAUS BENEBNOOMA, BURKINA FASO

 KOUDBI KOALA
EMMAUS BENEBNOOMA, BURKINA FASO

Q1 : Le Burkina Faso est un pays où le manque d’eau est une réalité de tous les jours. Nous avons deux saisons: la saison sèche qui dure près de 9 mois et la saison pluvieuse qui va du mois de juillet à septembre. Dès le mois de décembre, beaucoup de points d’eau commencent à tarir et le manque d’eau se fait sentir un peu partout. L’enjeu pour l’Etat burkinabé (qui a un Ministère de l’Eau et d’Assainissement) est d’arriver à retenir toute cette eau pendant la saison pluvieuse pour ensuite la distribuer aux populations.

Q2 : Notre groupe a travaillé sur différents aspects de l’eau pendant 4 éditions de notre festival international de musique, les Nuits Atypiques de Koudougou. Depuis, nous avons décidé de continuer à sensibiliser la population à travers Radio Palabre et la Troupe Saaba sur le fait que l’eau est un patrimoine commun, que nous devons tous la protéger et faire en sorte qu’elle soit la propriété de tous. La Troupe Saaba organise par exemple des spectacles de mimes et de théâtre forum une fois par mois dans les villages environnants pour sensibiliser sur les différents enjeux liés à l’eau.

Q3 : Tous les endroits du monde devraient pouvoir bénéficier de ce bien vital. Nous devons éviter le gaspillage, refuser la marchandisation, développer une sorte de mutualisation pour son utilisation et prévoir des pipelines comme cela a pu être fait pour le pétrole et le gaz.

KAMEL FASSATOUI
EMMAUS POINTE-ROUGE MARSEILLE, FRANCE 

KAMEL FASSATOUI
EMMAUS POINTE-ROUGE MARSEILLE, FRANCE

Q1 : Nous pensons que la question a plus de résonnance dans les pays où l’eau est une denrée rare pour satisfaire les besoins primaires. En ce qui concerne la France, les enjeux se situent surtout autour de l’accès à des points d’eau type fontaines pour les gens de la rue ainsi que la mise en place de sanitaires publics (WC et douches) pour leur permettre de satisfaire leurs besoins sanitaires élémentaires.

Q2 : Nous avons soutenu de manière active le projet d’accès à l’eau sur le lac Nokoué au Bénin. Et nous souhaiterions continuer à agir de manière concrète sur un autre projet de ce type car la motivation des compagnons est toujours importante, notamment lorsqu’il s’agit d’aider les autres. A Marseille, nous avons souvent et régulièrement manifesté pour la mise en place de fontaines publiques et d’équipements sanitaires (douches et sanitaires) pour les gens de la rue.

Q3 : Le moyen essentiel est un refus systématique de toute privatisation de ce bien vital. L’eau est une ressource naturelle qu’il convient de préserver de tout intérêt financier privé. Cela passe par la lutte contre les grandes firmes qui tentent de s’approprier ce qui est devenu l’or blanc (Coca Cola en Inde par exemple, où l’installation d’une usine de la marque a entraîné l’épuisement des nappes phréatiques et une pollution des ressources en eau locales).

 POPPY JOHN XAVIER
KUDUMBAM, INDE

POPPY JOHN XAVIER
KUDUMBAM, INDE

Q1 : L’Inde mesure 3528 km du nord au sud. Elle compte sept grands fleuves ainsi que de nombreux affluents. Les rivières jouent un rôle important en Inde : elles fournissent de l’eau potable, des transports bon marché, de l’électricité et des moyens de subsistance à de nombreuses personnes dans tout le pays. C’est pourquoi presque toutes les grandes villes de l’Inde sont situées sur les berges des rivières. Cependant, les industries sont également situées au bord des rivières et rejettent leurs eaux usées dans l’eau, ce qui la contamine.
Au Tamil Nadu, les principaux problèmes liés à l’eau sont l’épuisement des nappes phréatiques, l’augmentation de la salinité, les pénuries d’eau potable et la perte des récoltes causée par la sécheresse.

Q2 : Notre groupe a mené de nombreuses actions liées à l’eau depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui : reboisement impliquant des familles de villageois, sensibilisation des communautés rurales et de l’État à la nécessité d’agrandir les réservoirs d’eau, sensibilisation des communautés rurales à la conservation et protection de l’eau afin de pallier aux mauvaises récoltes dues à la sécheresse, lancement d’un programme de bassins versants pour améliorer la rétention d’eau dans le sol et réduire les pertes de récoltes, promotion de différentes techniques de conservation de l’eau intégrant des arbres, des arbustes et des cultures, ainsi qu’une formation à l’agriculture écologique et aux techniques d’agriculture durable pour les étudiant.e.s et les agriculteur.rice.s.

Q3 : Ce que nous avons appris au cours de ces 40 dernières années, c’est que les communautés agricoles devraient être davantage sensibilisées à l’ampleur du problème (notamment en ce qui concerne l’épuisement des nappes phréatiques, la modification de la qualité de l’eau, l’augmentation de la salinité et les impacts de ces problèmes sur la population). Ces communautés pourraient également être initiées à différentes techniques de préservation des ressources d’eau.
L’État devrait mettre en place des politiques encourageant les agriculteur.rice.s à cultiver des plantes consommant très peu d’eau (comme par exemple le riz traditionnel, les millets et les légumineuses). L’État devrait également adopter de nouvelles lois sur l’eau, notamment sur les eaux souterraines.

GLORIA ZULUAGA
EMMAUS PEREIRA, COLOMBIE

GLORIA ZULUAGA
EMMAUS PEREIRA, COLOMBIE

Q1 : Autrefois, la Colombie était considérée comme une puissance hydraulique […] Aujourd’hui, nous ne pouvons pas en dire autant, puisqu’une succession de gouvernements corrompus ont pris des mesures contre-productives en autorisant l’exploitation minière de certaines zones aquatiques. Selon les chiffres de l’Institut national de la santé (INS), seul·e·s 20 % des Colombien·ne·s ont accès à une eau propre à la consommation humaine.

Q2 : Puisque notre ville de Pereira se trouve dans une zone très montagneuse où il pleut presque tous les jours, nous avons créé en 2010 un système de recyclage des eaux pluviales, profitant de la pente des toits et de la cave de la zone de travail de notre communauté. Ainsi, nous recueillons une moyenne de 8000 litres qui, après traitement, donnent une eau propre à la consommation humaine.
En outre, nous proposons des programmes de formation pour le traitement et bon usage de cette ressource vitale dans la vie quotidienne, formation que nous promouvons dans différents lieux et sites de la ville, puisque notre groupe Emmaüs Pereira effectue un travail de récupération et d’utilisation du matériel recyclable.

Q3 : Nous pourrions mieux protéger cette ressource vitale à travers un effort politique et communautaire à plus grande échelle, des initiatives de défense des zones protégées, de reboisement ainsi que de restauration des forêts et des écosystèmes naturels, de restauration des sols, de prévention et lutte contre la contamination des ressources hydriques, ainsi qu’en éliminant les activités illégales qui affectent les ressources naturelles. Il est également nécessaire de créer des programmes qui encouragent et favorisent une culture du respect de l’eau, tant dans la vie quotidienne des gens que dans les activités de production dans le secteur privé.