Paix

Emmanuel Siambo : au Burkina Faso « un sentiment de peur est dans toutes les têtes au quotidien »

Emmanuel Siambo : au Burkina Faso « un sentiment de peur est dans toutes les têtes au quotidien »

Alors que le Burkina Faso fait face à une crise humanitaire sans précédent, en raison de la multiplication des attaques djihadistes, nous faisons le point sur la situation pour les groupes Emmaüs sur le terrain avec Emmanuel Siambo, responsable du groupe Emmaüs Solidarité Ouagadougou (ESO).

Emmaüs International : Quelles conséquences directes pour les populations ?

Emmanuel Siambo : Face à cette guerre et à l’insécurité constante qui en découle pour les Burkinabès, un sentiment de peur est dans toutes les têtes au quotidien.

La vie est devenue très chère, voire inaccessible pour certains. En plus des biens et services, les produits de premières nécessité sont devenus très compliqués à acquérir pour une majorité de la population. Les mouvements de population impactent négativement le tissu économique et social, aussi bien pour les personnes déplacées que pour les populations hôtes.

Comment agissent les groupes Emmaüs au Burkina Faso dans ce contexte ?

Les groupes du Burkina Faso subissent aussi les conséquences de ces crises : inaccessibilité ou insécurité dans leurs zones d’intervention, arrêt ou ralentissement des activités, et une très forte demande sociale. Pour eux comme pour la population, la résilience est le seul moyen d’adaptation.

Heureusement, grâce à la solidarité d’Emmaüs International nous avons pu apporter, dans le dernier trimestre de l’année 2022, une aide vitale aux populations déplacées : en termes d’alimentation, qui est un besoin prioritaire en raison de la situation précaire des déplacé.e.s qui n’ont plus accès à la terre ; en termes d’hébergement des familles et de scolarisation des enfants déplacés ; en termes de protection des femmes et des enfants, car des comportements néfastes se développent parmi les femmes et les enfants pour survivre (prostitution, travail des enfants) ; en termes d’accompagnement à la mise en place d’activités génératrices de revenus, qui apparaît comme une solution sur le moyen terme pour faire face à la situation ; en termes d’accompagnement psycho-social, pour les personnes ayant subi des traumatismes ; en termes de cohésion sociale et de construction de la paix : nos groupes ont à cœur d’œuvrer à la paix au sein de leurs communautés et à la cohésion entre ces groupes.

Malgré ce contexte, des perspectives de sortie de crise pour le pays se dessinent-elles ? Et si oui, lesquelles ?

Malheureusement, les perspectives de croissance économique restent compromises par l’instabilité sociopolitique et la dégradation de la situation sécuritaire.

Sur le plan militaire, l’armée multiplie les opérations en vue de démanteler les bases djihadistes et mettre hors de combat les terroristes qui perturbent la vie des populations. Plus de 50 000 volontaires (combattants) pour la défense de la patrie (VDP) ont été recrutés ces derniers mois pour renforcer les effectifs des forces de défense et de sécurité (FDS) sur le terrain. Et il convient de souligner que grâce aux opérations menées conjointement par les FDS et les VDP, certaines localités autrefois contrôlées par les groupes terroristes ont été libérées.

Pour l’heure, la priorité des autorités est la lutte contre le terrorisme et l’insécurité pour la reconquête du territoire, afin de créer les conditions pour un retour progressif de l’administration publique, des services sociaux de base et des populations civiles dans leurs localités d’origine.