Paix

République Démocratique du Congo : quand l’aide d’urgence prend durablement le pas sur la lutte contre la pauvreté

République Démocratique du Congo : quand l’aide d’urgence prend durablement le pas sur la lutte contre la pauvreté

Depuis plus de 20 ans sévit à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) un conflit connu sous le nom de guerre du Kivu, du nom de cette région. Cette guerre a en réalité pris la forme d’une succession incessante de conflits entre groupes armés et milices indépendantes. Il est difficile de donner précisément le nombre de victimes, mais les estimations se comptent en millions de personnes, comme celles des déplacements internes. Près de 26 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, soit un quart de la population.[1] Les violences sexuelles, utilisées comme arme de guerre, ont doublé par rapport à 2024. Entre janvier-février 2025, plus de 40% des près de 10000 cas signalés concernaient des enfants.[2] La saison des pluies menace d’aggraver les conditions sanitaires déplorables et d’accélérer la propagation de graves épidémies. Certaines zones sont inaccessibles aux organisations apportant une aide d’urgence, dont les activités sont rendues encore plus difficiles à cause des fermetures d’aéroports et coupes budgétaires récentes.

En quelques années, la RDC est devenue le pays comptant la plus grande population déplacée du continent africain et abritant une des plus grandes crises humanitaires du monde.[3] Pourtant, le silence qui règne concernant ce conflit est assourdissant et les espoirs de voir la situation s’améliorer pour les 106 millions d’habitant.es sont faibles.

Depuis décembre 2024, la reprise des conflits dans la région du Nord-Kivu touche directement les membres du groupe CAJED[4] et ses partenaires associatifs locaux. Alors que Emmaüs CAJED milite habituellement pour la promotion et la protection des droits des enfants touchés par les conflits et jeunes défavorisés, son action s’est récemment couplée en aide d’urgence à destination des communautés alentours. Les activités éducatives et d’accompagnement psychosocial ne sont plus prioritaires, car se trouvent étouffées par des distributions de vivres et d’articles ménagers essentiels aux populations présentes et nouvellement arrivées.[5] Malgré la situation accablante (services publics à l’arrêt, approvisionnement en eau et électricité quasiment impossible, chômage massif et suspension de toute activité économique), Emmaüs CAJED continue à apporter son aide aux populations locales en se concentrant sur l’aide d’urgence qu’il peut fournir. Mais le groupe se désole de la violence et des discriminations persistantes dans le pays, alimentées notamment par des conflits entre les 450 groupes ethniques qui coexistent sur ce même territoire.

La situation du groupe Emmaüs CAJED est un triste exemple où le besoin d’aide d’urgence est venu prendre le dessus sur le travail durable de lutte contre les causes de la pauvreté que souhaite mener le Mouvement Emmaüs. De plus en plus et dans un nombre croissant de pays, nos groupes locaux doivent se recentrer sur l’urgence au détriment de leurs actions d’éducation, pallier au manque de services publics, et répondre aux besoins de populations dont les conditions de vie sont de plus en plus difficiles.

 

La complexité de cette guerre, dans laquelle s’imbriquent conflits historiques, motivations ethniques, intérêts économiques et géopolitiques[6], ne doit en aucun cas justifier l’abandon de la population civile. Le sérieux risque d’une régionalisation de ce conflit, par l’implication croissante de forces armées voisines, doit alerter la communauté internationale pour qu’elle cesse de regarder ailleurs.

 

[1] https://news.un.org/fr/story/2025/04/1154441

[2] https://news.un.org/fr/story/2023/01/1131622

[3] Selon l’agence onusienne basée à Genève : RDC : près de 7 millions déplacés par les violences, la grande majorité a besoin d’aide | ONU Info

[4] Cajed | Accueil

[5] Cajed | Details article

[6] La République Démocratique du Congo, et plus spécifiquement la région du Kivu, est une réserve de ressources naturelles et minerais rares (coltan, cobalt, or, diamants, cuivre, étain…). La mine de coltan de Rubaya condense les problèmes de la région.