Economie solidaire

« L’économique ne doit pas l’emporter sur l’humain »

« L’économique ne doit pas l’emporter sur l’humain »

Interview de Patrick Atohoun, président d’Emmaüs International, par Le Journal de la Saône et Loire. En visite dans la communauté de Chalon (France), il présente les combats portés par notre mouvement à l’échelle internationale.

Vendredi, l’équipe d’Emmaüs de Chalon a eu la visite de Patrick Atohoun, président d’Emmaüs International depuis 2016. Une visite qui « réconcilie » avec l’humanité. Avec résilience.

Pourquoi êtes-vous aujourd’hui à Chalon ?

« Je suis ici pour rappeler à tous les bénévoles, compagnons et amis d’Emmaüs, qu’il y a 50 ans, le 24 mai 1969, à Berne, en Suisse, fut signé le manifeste universel du mouvement Emmaüs. L’abbé Pierre était un grand voyageur. Il est allé sur tous les continents et a compris que la misère était universelle et que les hommes devaient se regrouper à travers le monde pour faire face et lutter contre toutes les formes de précarités, partout. Et que nous devons aussi dénoncer l’injustice et la pauvreté. »

Qu’entendez-vous par « dénoncer » ?

« Le mouvement Emmaüs est laïc : pour tous, croyants ou non croyants, notre commune conviction est que seul l’amour peut nous lier et nous faire avancer ensemble. Pour Emmaüs, dénoncer signifie prouver aux décideurs économiques ou politiques, par l’exemplarité, la transparence et la justice. Trois axes font l’objet de notre attention : la justice sociale et environnementale, l’économie éthique et solidaire, la paix et la liberté de circulation, notamment celle des migrants. »

Concrètement, comment agir ?

« Il y a 350 groupes Emmaüs à travers le monde qui œuvrent dans les domaines de l’agroalimentaire, la santé, l’éducation, la famille, l’enfance et d’autres groupes qui partagent nos valeurs nous rejoignent. Nous sortons plusieurs milliers de personnes de situations précaires à travers le monde. Certains de nos projets sont repris par des collectivités. Les valeurs que nous partageons portent leurs fruits : ça marche, c’est possible de faire autrement. C’est possible de faire en sorte que l’économique ne l’emporte pas sur l’humain et le serve plutôt qu’il l’asserve. »

Propos recueillis par Jean-Marc MAZUE

Patrick Atohoun en bref :

Patrick Atohoun, Béninois de 59 ans, a été élu en 2016 président d’Emmaüs International. Il a œuvré près de 30 ans au sein d’Emmaüs International. Né le 11 février 1960 à Porto Novo, le Béninois a joui d’une enfance paisible à Cotonou avec ses parents instituteurs. Mais il a été confronté à la grande pauvreté dès l’âge de 20 ans : les longs trajets à vélo ou à dos d’âne, l’absence de manuels scolaires, d’infrastructures pour soigner les malades. Lors de son élection, Patrick Atohoun a reçu la canne de l’abbé Pierre, symbole d’appui et d’humilité.

© photo : José Luis Iniesta